Le nom du village de Plancenoit a subi peu de variations. On adopte le plus souvent l'orthographe ordinaire (1409,1637), et quelquefois on écrit Plancenois (1227), Planchenoit (XVe siècle), Plancenoy (Le Roy) , ou Plansnoy (1787).
Dans la localité on dit le Plancenoit ; ce nom, qui a son analogue en France dans celui de la Plancenaye, hameau de la commune de Raddon (département de la Haute-Saône), dérive évidemment du mot plançon, qui désigne de jeunes plants d'arbres.
La commune de Plancenoit est limitrophe de celles de Waterloo, Ohain, Maransart, Vieux-Genappe, Lillois et Braine-l’Alleu.
Plancenoit est à 3 kilomètres de Maransart, 5 1/2 k. d'Ohain et de Braine-l’Alleu, 6 1/2 k. de Vieux-Genappe et de Lillois, 7 1/2 k. de Waterloo, 11k. de Nivelles, 23 k. de Bruxelles.
L'église de Plancenoit se trouve située par 56 grades 29 de latitude N. et 2 grades 23 de longitude E.
L'altitude du seuil de la maison Rossomme, à 1,300 mètres O.-S.-O de l'église, est de 136 mètres.
Le cadastre divise le territoire de Plancenoit en 4 sections : la section A ou de la Haie sainte, la seclion B ou de la Belle Alliance, la section C ou du Village, la section D ou de Remival.
Au 1er janvier 1859, ces sections se trouvaient morcelées en 962 parcelles, appartenant à 272 propriétaires, donnant un revenu cadastral de fr. 41,944-75 (sol : 37,125-75 ; bâtiments : 4,819-00) et ayant une contenance de 627 hectares 35 ares 70 centiares (imposable : 611 hect. 53 a. 50 ca. ; non imposable : 15 hect. 82 a. 20 ca.).
Cette contenance globale se subdivisait ainsi en 1834:
On comptait à Plancenoit, en 1374, 22 ménages ; en 1436, 28 foyers ; en 1464, 30 foyers ; en 1472, 27 foyers ; en 1492, 10 foyers ; en 1526, 28 maisons, y compris trois maisons inhabitées; en 1686, 22 maisons, plus 1 taverne, 1 brasserie ; en 1856, 180 maisons.
Le village de Plancenoit, qui compte 177 maisons ; la Maison du Roi, 3 maisons.
Les habitations de Plancenoit forment, à l'extrémité orientale du territoire de la commune, trois groupes principaux : le Village proprement dit, qui entoure l'église et occupe le versant gauche de la Lasne ; la Rue Haute, qui se trouve au sommet du contrefort séparant la Lasne du Ri des Broux et va se rattacher au hameau d'Hanogrune, sur Maransart; les Broux, qui ne comptent que quelques maisons placées sur la rive gauche d'un ruisseau auquel elles donnent leur nom.
La Maison du Roi constitue l'extrémité septentrionale d'un hameau situé sur la route de Genappe à Mont-Saint-Jean, à 1,400 m. S.-O. de l'église, et dont la partie principale, ordinairement appelée les Vieux Manants, appartient au territoire de Vieux-Genappe. Ce hameau doit son nom à une ferme située sur Plancenoit et appartenant à M. Ransquin ; on désigne quelquefois aussi du même nom une ferme située sur Vieux-Genappe et appartenant à M. Theys.
A 1,300 mètres O.-S.-O. de l'église, la Maison Rossomme, Maison Derbais ou Maison Delpierre, qui a été habitée au siècle dernier par un cultivateur appelé Van Rossum et était encore une ferme assez importante en 1815, mais qui n'a plus aujourd'hui qu'un corps de logis, au bord oriental de la grand-route de Mont-Saint-Jean à Genappe ; à 1,200 m. O.-N.-O., la Maison Decoster ou Maison Ledecq, au bord oriental de la route ; elle était habitée, en 1815, par un paysan nommé De Coster (et non Lacoste), qui servit de guide à Napoléon pendant la journée du 18 juin ; à 1,400 m. N.-O., la Ferme Badart, au bord occidental de la route ; à 1,450 m. N.-O., la Belle Alliance ou Trimotiaux (selon Oudiette), auberge située au bord oriental de la route et déjà connue sous ce nom au siècle dernier ; à 1,500 m. N.-O., la Maison Bourgeois, au bord occidental de la route ; à 2,000 m. N.-N.-O., la Maison Paquet, cabaret au bord occidental de la route ; à 2,200 m. N.-N.-O., la Haie sainte, ferme au bord occidental de la route.
Fond de la Haie sainte ; Piedsente de Braine ; Campagne du Goumont ; Ermitage du Goumont ; Bois blanc ; Orme; Bosquetchamp ; Fond de Smohain ; Terre Rigaut ; Fond de Gelez ; Campagne al Saule ; Closière frère Jérôme ; Grand Closin ; Fond des Carpes ; Closière Sainte-Catherine ; Préas ? ; Champ del Baille ; Campagne de Brise bras ; Campagne de Tulvin (Tout le vent?) ; Champ del Croix ; A Mathi ; Closière Beline ; Closière Badart; Closière Vandercam ; Battis du Goumont ; Tri Motiau ; Remival ; Bruyères ; Derrière les prairies? ; Chemin de Nivelles ; Sentier de Neuve Cour ; Fond d'Horace ? ou du Rasse ? ; Campagne du Caillots ; Monument des Prussiens ; Monument des Hanovriens ; Monument Gordon ; Chemin Bernard ou del Cense ; Rue del Bâchée (Bassée? Basse haie?) ; Rue au Loup ; Bosquet Migneron ; Trou du Renard ; le Lanternier ; Maison Hubert Castiau ; Maison J.-B. Adam ; Longs Broux ; Maison J .-B. Tellier ; Piedsente des Pèlerins ; Ferme Prévinaire (anciennement Ferme Teuleunt) ; Ferme Minne ; Ferme Vanderbeek ; Ferme Dehase ; Ferme Delonnoy ; Ferme Englebert ; Ferme Ransquin ; Chapelle Nicot ou N -D. de Basse-Wavre ; Chapelle N.-D. de Hal ; Chapelle N.-D. de Tongres ; Chapelle Saint-Ghislain ; Chapelle Saint-Antoine.
Le terrain est peu accidenté, sauf dans le village, où l'on rencontre quelques coteaux assez rapides et des chemins encaissés ; le sol est assez fertile. Le point culminant est près de la maison Bossomme, à l'endroit dit Tulvin.
Presque tout le territoire appartient au système laekenien : il ne manque que dans les vallées voisines de la ferme du Goumont et de l'église de Plancenoit, où règne le système bruxellien. Ces terrains sont généralement cachés sous le limon hesbayen du système diluvien.
On exploite plusieurs marnières, afin d'en tirer un amendement pour les terres et des matériaux pour le pavage des chemins et la construction des maisons. On n'a point utilisé jusqu'aujourd'hui le minerai de fer que l'on rencontre en plusieurs endroits et particulièrement à 100 m. S. du Monument des Prussiens.
Tout le territoire de Plancenoit appartient au bassin de l'Escaut ; les cours d'eau qui arrosent cette commune sont la Lasne et le Ri des Broux.
La Lasne prend sa source à la fontaine Delpierre, dans la berge de la Taillette ; se grossit des eaux de plusieurs sources ; devient limitrophe de Maransart; reçoit le Ri des Broux (r. dr.); et abandonne aussitôt après le territoire de Plancenoit. Son cours, dirigé de l'O. à l'E., a une longueur de 650 mètres, y compris 150 m. mitoyens avec Maransart.
Le Ri des Broux prend sa source près de la maison Hubert Castiau, aux confins des communes de Vieux-Genappe et de Plancenoit ; reçoit les eaux de plusieurs sources ; et se réunit à la Lasne (r. dr.), après un parcours de 1,400 m. dans la direction du S.-O. au N.-E.
Les principales fontaines sont celles des Suisses, Charbonnier, Waroquet, du Curé, des Prés, de Broux, Marianne et del Plate ; cette dernière source émerge au bord de la Lasne d'un sable mouvant qui, dit-on, a englouti jadis un chariot à deux chevaux.
On comptait, en 1784, dans la commune, 412 habitants : 1 prêtre, 125 hommes, 153 femmes, 68 garçons et 65 filles âgés de moins de 12 ans (dans la paroisse, 416 personnes : 1 prêtre, 127 hommes, 155 femmes, 68 garçons et 65 filles âgés de moins de 12 ans) ; en l'an XIII, 487 habitants; au 31 décembre 1831, 791 habitants ; au 31 décembre 1856, 847 habitants.
Les registres des naissances commencent en 1643 ; des mariages, en 1648 ; des décès, en 1647.
Tout le territoire de la commune constituait autrefois un bois, qui fut mis en culture au commencement du XIIIe siècle et qui a été si complètement abattu qu'aujourd'hui, il n'en reste plus le moindre vestige.
Les grandes exploitations agricoles sont : la Maison du Roi (100 hect.), tenue par M. Ransquin (A.) propriétaire ; la Haie sainte (53 hect.), tenue par M. Viseur (J.-B.), appartenant au vicomte J.-J.-B.-F. de Spoelberg.
Le nombre des animaux domestiques constaté à Plancenoit par les recensements généraux s'élevait à :
Les terres exploitées par les cultivateurs de la commune se répartissaient ainsi :
Ce chiffre total se subdivisait en biens exploités :
En moyenne l'hectare de terre était estimé à:
L'ancienne verge linéaire a 16 1/2 pieds de Bruxelles.
Une brasserie, produisant environ 900 hectolitres par an, est la seule usine de Plancenoit.
Un petit four à chaux, adjacent à la maison Pâquet, calcine les débris de pierres de marne.
Il a existé, au commencement de ce siècle, une saline au hameau de la Belle Alliance.
On compte dans la commune une centaine de tisserands qui fabriquent des étoffes de coton.
La rouie de Genappe à Mont-Saint-Jean traverse le territoire de la commune sur 3,100 m. et le longe sur 100 m. On compte 43 chemins vicinaux et 41 sentiers, mesurant ensemble 49,084 m., dont 5,429 m. étaient pavés au 31 décembre 1859.
Un pont est établi sur le chemin nommé Rue à la Gâte. Le chemin de grande communication n° 22 traverse la commune sur 3,700 m.
Des arrêtés royaux du 31 juillet 1839 et du 8 mars 1842 ont autorisé la commune à percevoir un demi-droit de barrière sur trois chemins pavés partant du centre du village.
Le village de Plancenoit ne date que du commencement du XIIIe siècle. C'était alors un territoire désert, dépendant de Braine-l'Alleu, et qui appartenait aux mêmes seigneurs, les châtelains de Bruxelles. Un village ayant été fondé en cet endroit, le châtelain Léon, de concert avec le chapitre de Cambrai, qui possédait le patronat de Braine, jugea nécessaire, à cause de l'éloignement de l'église paroissiale, d'y bâtir une autre église, dont le curé fut doté 1° du tiers de la dîme de tous les sarts ou bruyères mis ou à mettre en culture, dans le bois situé entre Braine et Ohain et entre Genappe (Vieux-Genappe) et Ransbeek ; 2° du tiers des offrandes, des petites dîmes et des legs qui seraient constitués par les habitants au profit de l'église paroissiale. Ces revenus, qui ne produisaient : la dîme des sarts, que 20 muids de grains, mesure de Braine ; le restant, que 40 sous de Bruxelles, avant été jugés insuffisants, Léon y ajouta le produit du terrage qu'il percevait à Plancenoit, afin de donner aux ressources annuelles du curé la valeur de trente muids de grains (charte datée du jour de la translation de Saint-Martin, juillet 1227). D'après un manuel conservé à la cure et qui fut formé en 1752, la paroisse de Plancenoit aurait été fondée en 1211.
En l'année 1409, les habitants réclamèrent la possession d'un pré qui appartenait à l'abbaye d'Afflighem et qui, d'après eux, constituait un werissis et communauté, c'est-à-dire un terrain vague où ils avaient droit de pâture. Sous la conduite du maire de Plancenoit, Le Roy de Holeir, et sans avoir consulté leur seigneur, ils se portèrent à l'église, sonnèrent la cloche, puis allèrent briser les clôtures de ce pré, qu'ils rétablirent ensuite, lorsqu'on leur eut prouvé leurs torts. Le bailli du Brabant wallon, informé du fait, cita le maire par devant les hommes de fief de la haute cour de Genappe, qui le condamnèrent à une amende de 40 couronnes de France (soit 6 livres 13 sous 4 deniers) et imposèrent à chacun de ses complices l'obligation d'aller en pèlerinage, d'abord à St-Jacques en Galice, puis à Vendôme.
En l'année 1484, quelques troupes de l'archiduc Maximilien d'Autriche campèrent à Plancenoit.
Il y a quarante-cinq ans, le territoire de Plancenoit fut ensanglanté par une des plus terribles batailles qui aient été livrées pendant l'époque moderne, la plus décisive de toutes, car elle anéantit pour longtemps la prépondérance militaire de la France, elle termina la guerre qui désolait l'Europe depuis vingt-cinq années. Les principales nations qui y ont pris part lui ont donné chacune un nom différent : les Français l'appellent ordinairement la bataille de Mont-Saint-Jean, d'après une ferme située sur Waterloo, en arrière de la ligne anglaise, et qu'ils n'atteignirent jamais ; les Anglais la nomment, avec moins de raison encore, la bataille de Waterloo, l'église de ce village se trouvant à près d'une lieue au nord du véritable lieu du combat ; les Prussiens ont été mieux inspirés en préférant le nom de bataille de la Belle-Alliance, car la ferme de ce nom s'élève au milieu même du champ de bataille. En réalité, l'engagement se livra sur le territoire de Plancenoit, et, pour de faibles parties, sur ceux de Braine-l’Alleu (où est Goumont), de Waterloo (où se trouve la ferme de Papelote) et d'.Ohain et Lanne (où l'on rencontre la ferme de la Haie, le hameau de Smohain, le château de Fichermont).
A l'endroit où ces différents territoires se rapprochent, le sol forme un double vallon, qui descend, d'une part, vers le Hain, et d'autre part, vers la Lasne. Ces vallons courent entre deux plateaux d'inégale hauteur : l'un, au sud, n'offrant que de rares habitations, le long des deux routes de Bruxelles à Charleroi et de Mont-Saint-Jean à Nivelles ; l'autre, vers le nord, plus élevé, à pentes plus roides, et où quelques grandes exploitations présentent, en quelque sorte, autant de points de défense : Goumont, à 350 mètres à l'E. de la chaussée de Nivelles ; la Haie-Sainte, à l'O. et contre la chaussée de Charleroi ; les fermes de Papelote et de la Haie, le hameau de Smohain, le manoir de Fichermont, au sud d'un chemin, jadis bordé de haies, et qui conduit à Ohain. C'est dans cette position, qu'il avait étudiée avec soin et qu'un an auparavant il avait signalée comme très avantageuse pour y disputer l'accès de Bruxelles, que se retira Wellington après la bataille des Quatre-Bras.
Le général anglais avait à dos le village de Waterloo et la forêt de Soigne, dont les profondeurs, quoi qu'on en ait dit, lui assuraient, en cas de revers, un asile assuré. Sa vaillante infanterie pouvait y résister pas à pas et neutraliser les ressources supérieures des ennemis en cavalerie et en artillerie. Assez loin de sa droite, vers Hal, il avait un corps de 17,000 hommes commandé par le prince Frédéric des Pays-Bas, et qu'il commit la faute de ne pas appeler à lui, la seule faute qu'on puisse lui reprocher, selon le colonel Charras. A sa gauche, dans la vallée de la Dyle, manœuvrait Blücher et toute l'armée prussienne. Malgré sa défaite du 16, le vainqueur de Laon avait conservé toute son énergie. Invité par Wellington à venir a son aide, il lui avait répondu : « J'irai vous rejoindre, non-seulement avec deux corps, mais avec mon armée tout entière ; et si l'ennemi ne vous attaque pas le 18, nous l'attaquerons ensemble le 19 ».
Il était six heures et demie du soir quand, le 17, l'avant-garde française arriva près de la Belle-Alliance; elle fut successivement rejointe par d'autres corps qui bivouaquèrent plus en arrière. De fortes ondées tombèrent toute la nuit et ne cessèrent que vers six heures du matin, puis le ciel resta très couvert ; le sol, qui est d'une nature extrêmement argileuse, conserva pendant la journée une humidité excessive, qu'augmentèrent encore les mouvements de tant de milliers d'hommes, de chevaux, d'attelages, accumulés sur un même point.
L'armée anglo-hollandaise commença à prendre son ordre de bataille dès six heures du malin. Elle fut distribuée en deux corps principaux : une gauche, et une droite, que vint renforcer une extrême droite, placée en arrière et qui n'eut pas à combattre dans sa première position.
La droite, dont le commandement fut confié au prince d'Orange, depuis roi des Pays-Bas sous le nom de Guillaume II, occupait le triangle que forment les chaussées de Mont-Saint-Jean à Nivelles et de Bruxelles à Charleroi, et un chemin qui conduit de la première vers Ohain. Elle se composait de quatre bataillons de gardes anglaises, sous les généraux sir John Byng et P. Maitland (deux bataillons du 1er régiment, un du 2e, dit de Coldstream, un du 3e) ; de la brigade anglaise de sir Colin Halkett (2° bataillons des 30e, 69e et 73e régiments et 33e régiment), de la brigade hanovrienne du comte Kielmansegge, forte de cinq bataillons, et ayant devant elle, en tirailleurs, les deux compagnies des chasseurs de Sporken ; de trois bataillons du 1er régiment de Nassau, sous le général Von Kruse, et de trois bataillons (5e et 8e et 1er bataillon léger) de la seconde brigade de la légion allemande, sous le colonel Von Ompteda. Sauf les gardes, qui appartenaient à la division Cooke, toutes ces troupes reconnaissaient pour général de division le baron d'Alten. Elles avaient, en postes avancés, des détachements à Goumont et à la Haie-Sainte, le 1er bataillon du 2e régiment de Nassau et quatre compagnies de gardes anglaises, à Goumont ; le second bataillon léger de la légion allemande, à la Haie-Sainte.
La gauche, sous sir Thomas Picton, s'étendait depuis la chaussée de Charleroi, qui était fortement barricadée jusqu'à Fichermont. Elle était composée de troupes anglaises et hanovriennes de la division Picton entremêlées de troupes néerlandaises de la division de Perponcher ; là se trouvaient : la brigade de sire James Kempt (un bataillon du 28e, du 32e, du 79e et du 95e), la brigade néerlandaise de Bylandt (7e régiment de ligne, 27e bataiIlon de chasseurs, 5e, 7e et 8e bataillons de milice), la brigade anglaise de sir Denis Pack (un bataillon du 42e, deux du 44e, un du 92e), la brigade hanovrienne du colonel Best, composée de quatre bataillons de milice ; celle du colonel de Vincke, consistant en cinq bataillons de landwehr hanovrienne , et enfin celle du prince de Saxe-Weimar, formée de deux bataillons du 2e régiment de Nassau, de deux du régiment d'Orange et d'une compagnie de chasseurs volontaires.
Afin d'arrêter tout mouvement sur sa droite, le duc de Wellington plaça de ce côté, en potence, le long de la chaussée de Nivelles à Mont-Saint-Jean, la division de sir Henri Clinton, composée de la brigade L. Adam (1er bataillon des 52e et 71e, 2e et 3e bataillons du 95e) ; de quatre bataillons de la première brigade de la légion allemande, sous le colonel Duplat, et des quatre bataillons de landwehr de la 3e brigade hanovrienne, sous le colonel Halkett. Il y joignit la brigade anglaise du colonel Mitchell (3e bataillon du 44e, 1er du 23e et du 54e). Cette réserve considérable se rattachait, par le hameau de Mer-Braine, à la division néerlandaise de Chassé, qui était postée à Braine-l’Alleu et qui se composait de la brigade du colonel Ditmers (un bataillon du 2e régiment de ligne, le 35e bataillon de chasseurs, les 4e, 6e, 47e et 19e bataillons de milice) et de celle du général d'Aubremé (un bataillon des 3e, 12 et 13e régiments de ligne, le 36e bataillon de chasseurs, les 3e et 10e bataillons de milice).
En deuxième ligne, derrière les divisions Cooke et Alten, mais plutôt derrière la première, se trouvait le corps de Brunswick, sous le major général Olfermann, fort de cinq bataillons, de deux bataillons de troupes légères, du régiment des hussards de la Mort, d'un escadron de hulans. Près de la ferme de Mont-Saint-Jean se rangea la brigade anglaise de sir John Lambert ( 1ers bataillons des 4e, 27e et 40e régiments, 2e bataillon du 81e).
La cavalerie fut distribuée dans les espèces de réduits que formaient l'infanterie, de manière à pouvoir, au premier signal, être lancée sur l'ennemi ou ramenée afin de se préparer à un nouvel effort. La masse la plus considérable fut concentrée derrière le corps du prince d'Orange, sur deux lignes. En première ligne venait la cavalerie anglaise et anglo-allemande : à droite, sir CoIqhoun Grant, avec les 7e et 15e hussards; au centre, les 3e hussards et 13e dragons, appartenant à la 7e brigade de la légion allemande ou brigade Arenschild, et les 1er, 2e et 23e régiments de dragons, de même que les hussards hanovriens de Cumberland, sous le général Dornberg ; à gauche, quatre régiments anglais d'élite, sous lord E. Somerset, les 1er et 2e régiments des gardes du corps, la garde bleue et le 4e régiment de dragons de la garde ou dragons du roi. En seconde ligne se trouvait la cavalerie néerlandaise, commandée par le général Collaert: à droite, le général Van Merle, avec le 6e hussards et le 5e chevau-légers ; au centre, le général Trip, avec les 1er, 2e et 3e régiments de carabiniers ; à gauche, le général Ghigny, à la tête du 8e hussards et du 4e chevau-légers.
En arrière de Picton étaient rangés, derrière Bylandt, sir Guillaume Ponsonby, avec les 1er, 2e et 6e régiments de dragons, dits les Royaux, les Écossais gris et les dragons d'Inniskilling ; et à l'extrémité de la ligne, en flanqueurs, sir Hussey Vivian, avec le 1er régiment de hussards et les 10e et 18e dragons, et sir John Vandeleur, qui commandait les 11e hussards, 12e et 16e régiments de dragons.
L'armée anglaise menait avec elle 159 pièces de canon; elle comptait 67,600 combattants, dont 49,600 fantassins, 12,400 cavaliers, 5,600 artilleurs. Dans ce nombre, il n'y avait que 24,000 Anglais ; le reste se composait de la légion allemande, dont le nom indiquait assez l'origine (5,860 hommes), de Hanovriens (11,200), de Brunswickois (5,900), de troupes de Nassau (2,880) et de Hollando-Belges ou Néerlandais (17,700), parmi lesquels il n'y avait pas plus de 4,000 à 4,200 Belges.
Comme on peut s'en assurer par le tableau que nous venons de donner, les troupes des différentes nations étaient complètement entremêlées, dans la crainte, sans doute, d'une de ces défections dont les armées françaises eurent tant à souffrir en 1813. Wellington avait pour adjudant général sir Édouard Barnes et pour quartier-maître général le colonel sir Guillaume Delancey. Lord Hill commandait l'infanterie de la réserve et le comte d'Uxbridge toute la cavalerie. L'artillerie obéissait au colonel sir George Wood.
Une partie des troupes françaises avait passé la nuit à Genappe et aux alentours ; lorsqu'elles eurent rejoint le gros de l'armée et après que l'empereur eut reconnu la ligne ennemie, elles se mirent en marche sur onze colonnes et se déployèrent, dans un ordre parfait, pour former trois lignes concentriques et de manière à laisser entre elles un espace de 200 mètres environ.
La première, qui consistait presque toute entière en infanterie, se composait des 1er et 2e corps : le comte Reille, à la tête de ce dernier, à gauche, occupait tout le vallon entre les chaussées de Charleroi et de Nivelles ; le comte Drouet d'Erlon, avec le premier, à droite, s'étendait vers Fichermont. Reille posta : vis-à-vis de Goumont, la division Jérôme-Napoléon (1er et 2e léger, 1er, 2e et 3e de ligne) ; au centre, la division Foy (4e léger, 92e, 93e et 100e) ; près de la Belle-Alliance, la division Bachelu (11e, 61e, 72e et 108e). Plus à l'est, au-delà de la chaussée de Charleroi, vinrent se former, en face de la gauche anglaise, les divisions Allix (54e, 55e, 28e et 105e), Donzelot (13e léger, 17e, 19e et 51e de ligne), Marcognet (21e, 46e, 25e et 45e) et Durutte (8e, 29e. 85e et 95e). Le général Allix étant absent, le commandement de ses régiments était confié à son plus ancien général de brigade, Quiot. La cavalerie des deux corps prit position aux extrémités de la première ligne. Pire, à la tête des 1er et 6e régiments de chasseurs et des 5e et 6e lanciers, se plaça en travers de la chaussée de Nivelles, un peu au N. de la ferme de Monplaisir, et éclaira le terrain dans la direction de Braine-l’Alleu. Jacquinot, conduisant les 3e et 7e chasseurs et les 4e et 7e lanciers, se porta à l'extrême droite et jeta quelques postes vers Ohain.
La deuxième ligne, qui était destinée à frapper au besoin un grand coup, était plus forte en cavalerie qu'en infanterie. Celle-ci resta à gauche de la chaussée de Charleroi. Elle comprenait deux des divisions du corps du général Mouton, comte Lobau, ou sixième corps : la division Simmer (5e, 14e, 27e et 84e régiments de ligne) et celle de Jeannin (5e léger, 16e, 17e et 107e de ligne). A la même hauteur, mais de l'autre côté de la chaussée, on voyait, en colonnes serrées par escadron, deux divisions de cavalerie légère : celles de Domon (4e, 9e et 12e chasseurs) et de Subervie (1er et 2e lanciers et 11e chasseurs). Cette ligne était flanquée, de chaque côté, par un corps de grosse cavalerie : à l'extrême gauche, le troisième corps de cavalerie, sous Kellermann, formé des divisions L'Héritier (2e et 7e dragons et 8e et 11e cuirassiers) et De Roussel d'Herbal (1er et 2e carabiniers, 2e et 3e cuirassiers) ; à l'extrême droite, le quatrième corps de cavalerie, sous Milhaud, formé des divisions de cuirassiers Wathier Saint-Alphonse (1er, 4e, 7e et 12e) et Delort (5e, 6e, 9e et 10e).
La troisième ligne présentait une masse compacte, qui ne dépassa pas les hauteurs de Rossomme. Là se trouvait cette réserve redoutable, dont Napoléon n'utilisait la bravoure que dans les dangers suprêmes. Nous voulons parler de sa garde. L'infanterie s'établit à gauche de la chaussée, sur six lignes, formées chacune d'une brigade en colonnes par bataillon : elle se composait de quatre régiments de grenadiers, de la vieille garde, sous Friant ; de quatre régiments de chasseurs, également de la vieille garde, sous Morand, et de la jeune garde : deux régiments de voltigeurs et deux de tirailleurs, sous Duhesme. Près de ces vaillants fantassins se rangea la cavalerie : à gauche, les grenadiers et les dragons, sous Guyot ; à droite, les lanciers et les chasseurs, sous Lefebvre Desnouettes.
Chacune des lignes comptait dans ses rangs de nombreuses batteries : Reille en avait six ; D'Erlon six ; Lobau et les autres corps de la seconde ligne huit ; la garde treize, ces dernières sous le commandement du général Desvaux ; en tout environ 240 bouches à feu. L'armée française comptait 72,000 hommes, dont 45,000 de cavalerie. Napoléon commandait en chef, ayant pour major général le maréchal Soult, duc de Dalmatie. Une autre illustration des armées de l'empire, Ney, le vaillant prince de la Moskqwa, fut chargé de diriger les attaques, mission difficile, dont il s'acquitta en héros. Mais, vainement le brave des braves exposa vingt fois sa vie, vainement il se porta constamment au plus fort du danger, il devait échapper à tant de périls pour subir le supplice des traîtres, pour laisser sa mémoire entachée d'injustes imputations.
Un sort non moins cruel attendait cette magnifique armée, une des plus aguerries, des plus dévouées que la France ait jamais mises sur pied. Son ardeur pour le combat, ardeur qui avait dégénéré en une espèce de fureur et qui fut même souillée par plus d'un acte de cruauté, sa confiance dans la victoire, son frénétique enthousiasme pour son illustre chef, allaient subir de cruels mécomptes. Elle ne s'attendait pas à devoir fuir, en désordre, affreusement décimée, à se voir, à peine rentrée en France, accabler, par le souverain dont son sang payait toutes les entreprises, d'une double accusation : la cavalerie, d'avoir sans ordre assailli le centre des Anglais et compromis ainsi le sort de la journée ; la malheureuse infanterie de d'Erlon, de s'être débandée à l'arrivée du général prussien Ziethen, en poussant le cri déshonorant de sauve qui peut. Oui, l'armée française fut traitée de la sorte, mais l'histoire dira que, cette flétrissure, elle ne la reçut pas des deux généraux qui la vainquirent : Wellington, en se maintenant avec opiniâtreté dans une position admirablement choisie; Blücher, en se dérobant adroitement à Grouchy et en amenant 60,000 hommes sur le champ de bataille.
Napoléon avait à cœur de rencontrer le général habile qui avait enlevé à ses lieutenants le Portugal et l'Espagne, et conduit les bataillons anglais de Lisbonne à Toulouse, sans essuyer, pour ainsi dire, d'échec grave. En voyant Wellington immobile sur les hauteurs de Mont-Saint-Jean, il crut à la prochaine réalisation d'un de ses plus ardents désirs; il s'écria : « Je les tiens donc, ces Anglais ».
Toutefois, le terrain étant fort détrempé, il ne se pressa pas pour donner le signal de l'attaque.
Il avait passé devant ses lignes, accueilli par des acclamations enthousiastes. Vers les onze heures, il enjoignit d'assaillir la gauche ennemie. Grâce à un effort considérable, il comptait s'emparer sans difficulté de Mont-Saint-Jean et refouler ainsi les Anglais vers Braine-l'Alleu. Cependant, ce fut à l'extrême gauche des Français, vers Goumont, que le combat commença, à 11 1/2 heures, par un engagement qui n'avait sans doute pour but que d'opérer une diversion, mais qui insensiblement occupa presque tout le corps de Reille.
La brigade Beauduin, de la division Jérôme Bonaparte, quoique privée de son chef dès le commencement de l'action, assaillit vigoureusement le bois de Goumont, sous la protection d'un violent feu d'artillerie. Bientôt, renforcée par la brigade Soye, elle réussit à emporter ce bois et à en chasser les défenseurs. Mais, arrivés à la lisière septentrionale, les régiments de Soye se virent accueillis par des décharges de mousqueterie partant du château de Goumont et du verger adjacent. Là se trouvaient, abritées derrière des haies et des murs crénelés et garnis d'échafaudages, trois compagnies des gardes anglaises à pied, sous les ordres du lieutenant colonel Mac-Donnell. Les assaillants arrivèrent cependant jusqu'au château. Mac-Donnell lui-même fut obligé de se battre avec eux corps à corps, et, grâce à sa force physique et à son courage, parvint à fermer la porte de la cour.
Wellington avait visité ce poste important un peu avant la bataille ; il ne négligea pas d'y envoyer des renforts. Les gardes furent rejointes par quatre nouvelles compagnies légères, sous les colonels Woodford et Hepburn et les lieutenants colonels Home et lord Saltoun, tandis que don Miguel d'AIava, général espagnol qui accompagnait l'armée anglaise, ralliait les tirailleurs de Nassau. Le combat recommence avec une nouvelle fureur. Les soldats de Soye, malgré la fusillade qui les décime, redoublent d'efforts; quelques compagnies du 1er léger et une escouade de sapeurs du génie poussent jusqu'à la porte du château et renfoncent; une poignée de braves entrent dans la cour, mais ils y périssent et la porte est de nouveau barricadée.
Appuyés par un bataillon de Brunswick, les défenseurs de Goumont repoussent Jérôme Bonaparte au milieu du bois. Foy vient en aide au roi de Westphalie, il prend le grand verger à l'est du bois, et tous deux rejettent les alliés dans le château ou dans le vallon qui se trouve en arrière. Mais alors une partie de la première ligne des Anglais s'ébranle et refoule dans le bois les Français, à qui elle arrache le verger, couvert de cadavres. Le roi Jérôme et Foy, tous deux blessés, doivent s'éloigner de leurs régiments. Ce conflit se prolonge pendant plusieurs heures avec des chances alternatives pour l'un et pour l'autre parti. Napoléon s'en émeut enfin et dirige contre le château le feu de huit obusiers, qui y allument bientôt l'incendie. Les flammes n'atteignent pas la ferme, mais dévorent les bâtiments du manoir et consument également plusieurs centaines de blessés. Ce désastre ne décourage pas les gardes anglaises, qui abandonnent le manoir, devenu une ruine inaccessible, mais restent en possession, malgré tous les efforts, du jardin et du verger contigu.
La batterie de la division Piré veut compléter la destruction de Goumont et y raser les murs du jardin, devant lequel se fond en détail le corps de Reille ; elle ne peut continuer son feu. La brigade Mitchell, soutenue par la cavalerie brunswickoise, la force à s'éloigner. La division Bachelu, qui avait considérablement souffert aux Quatre-Bras et qui venait d'avoir une rencontre malheureuse avec la cavalerie anglaise, se joint sans plus de succès aux deux autres divisions de la gauche française. Wellington renforce de même les siens par l'envoi de la brigade Duplat. Duplat, il est vrai, est tué, et la plupart de ses officiers sont mis hors de combat ; mais, en définitive, Goumont reste aux alliés, qui parviennent à rétablir les communications entre ce point important et leur droite, communication qui avait été brisée par l'action destructive de l'artillerie et par les charges répétées de la cavalerie de Kellermann et de Milhaud.
L'attaque de Goumont venait de commencer lorsque Napoléon aperçut un corps de troupes au loin, sur les hauteurs voisines de Chapelle-Saint-Lambert. Il crut un instant ou du moins il prétendit avoir cru qu'il lui arrivait un détachement de l'armée de Grouchy ; mais ce général, loin de marcher vers la forêt de Soigne, avait, conformément à ses instructions, continué à suivre les Prussiens dans la direction de Gembloux et de Perwez et se trouvait encore en ce moment près de Walhain, à 20 kilomètres du champ de bataille. A cause de la distance et du mauvais état des chemins, il ne lui était plus possible de déboucher avant la nuit sur le plateau de Mont-Saint-Jean , dont il était d'ailleurs séparé par les différents corps de l'armée prussienne, forte de 90,000 hommes. Ainsi que le reconnut le général Bernard, l'un des aides de camp de l'empereur, le détachement signalé se composait d'ennemis, et Napoléon apprit bientôt, par un hussard fait prisonnier, qu'il allait être attaqué, sur son flanc droit, par Bülow, à la tête de 30,000 hommes, et que d'autres corps de l'armée de Blücher marchaient contre lui. II avait déjà dirigé du côté d'Ohain la cavalerie de Subervie et de Domon ; il la fit soutenir par l'infanterie de Lobau. Mais ces corps, qui auraient facilement pu arrêter les Prussiens au passage de la Lasne et qui auraient dû, au moins, s'emparer du bois de Paris (sur Lasne), laissèrent Bülow s'avancer, sans rencontrer d'obstacles, jusque dans la plaine qui s'étend entre ce bois et Plancenoit, où un nouveau combat s'engagea vers les cinq heures.
Dans l'entre-temps, 78 bouches à feu, dont 36 pièces de 12 vomirent un feu meurtrier contre le centre et la gauche des Anglais, qui ne leur opposaient qu'une artillerie inférieure. Jugeant que celle canonnade devait avoir suffisamment ébranlé l’ennemi, l'empereur donna à Ney l'ordre de le faire attaquer par le corps de d'Erlon, qui n'avait pas encore combattu pendant cette campagne et qui présentait un effectif de près de 18,000 nommes. Les quatre divisions de d'Erlon se formèrent en colonnes, en masses pleines, par bataillons déployés, à cinq pas l'un de l'autre. Elles s'avancèrent dans un ordre imposant, mais leur marche à travers le vallon fut retardée par l'état du sol, que des pluies continuelles avaient saturé d'humidité et qui était couvert de hautes moissons. Malgré un feu meurtrier, elles abordent l'ennemi aux cris de Vive l'empereur! Donzelot refoule devant lui le 95e anglais et culbute la brigade Bylandt, qui avait déployé en avant du chemin d'Ohain ; Marcognet dépasse ce chemin et Durutte prend la ferme de Papelote ; mais ensuite les Français, déjà ébranlés par leur fougue même et par les difficultés du chemin, se voient assaillis à leur tour. Les troupes de Kempt et de Back se portent sur les flancs de la division Donzelot et la foudroient par des feux bien dirigés, tandis que Ponsonby, à la tête de deux régiments de dragons d'élite la charge avec impétuosité et la rejette dans le vallon. Marcognet, abordé en même temps par des bataillons de Pack et de Best, attaqué par un troisième régiment de dragons, les Écossais gris, éprouve le même sort.
Picton, qui a habilement dirigé les manœuvres de ses vaillants fantassins, tombe la tête trouée d'une balle ; mais Ponsonby, avec ses 1,200 cavaliers, continue à presser les Français. Dans le vallon, il atteint deux batteries d'artillerie (seize pièces), qui, en se portant en avant, s'étaient à moitié embourbées ; il en sabre les artilleurs et les chevaux, et, emporté par un élan irrésistible, il arrive presque aux autres batteries, restées en position. Napoléon, qui a vu et admiré son audace, lance contre lui les 7e et 12e régiments de cuirassiers, dont le mouvement est appuyé par le 4e de lanciers, sur l'ordre de Jacquinot. Attaqués à la fois de front et de flanc, les vaillants dragons sont à leur tour mis en déroute et tournent bride, laissant dans la plaine, aux mains de l'ennemi, la moitié d'entre eux, et leur vaillant général, que l'on retrouva au soir percé de sept coups de lance, et le lieutenant-colonel Hamilton, le commandant d'un des trois régiments.
La division Durutte avait peu souffert pendant cet engagement. Elle avait repoussé les Hanovriens de Vincke, puis battu en retraite, sans se laisser entamer par les cavaliers de Vandeleur et de Ghigny. La droite de l'armée française n'en était pas moins fort affaiblie et, pour ainsi dire, devenue incapable d'un grand effort. Sa malheureuse tentative lui coûtait 5,000 hommes, environ le tiers de son effectif. Les Anglo-Hollandais avaient également souffert, mais ils gardaient leur position et reprenaient courage. Depuis lors, de ce côté, il n'y eut plus de combats sérieux : sauf quelques attaques partielles, on se borna à se canonner. Wellington relira même de sa gauche, où Kempt commandait alors, la brigade Vincke, qu'il envoya près de la Haie-Sainte ; toutefois, plus tard, il renforça cette partie de son armée par la brigade Lambert. Quiot et Donzelot avaient tourné leurs efforts contre la Haie-Sainte. Quant à Durutte, il parvint à emporter la ferme de Papelote, mais il échoua devant les positions voisines; et l'apparition de quelques troupes prussiennes l'obligea à employer contre ces dernières une partie de ses forces.
La brigade de Quiot s'était portée contre la ferme de la Haie-Sainte, grand massif de bâtiments de forme rectangulaire et protégé, vers le S., par un verger clos de haies, vers le nord, par un jardin. Quiot parvint à emporter le verger, mais non la ferme. Appuyé par une brigade de cuirassiers, celle du général Dubois, il repoussa et détruisit presque en entier un bataillon de landwehr hanovrienne, qui avait été envoyé pour appuyer Baring, le vaillant défenseur de la Haie-Sainte. Cette cavalerie, entraînée par son ardeur, poussa jusqu’au plateau et chargea la brigade KieImansegge, dont les bataillons, formés en carrés, lui opposèrent une barrière infranchissable. Au moment même où Ponsonby s'élançait sur la droite des Français, lord Uxbridge, se mettant à la tête de la brigade Somerset, fit une charge dont l'effet fut terrible. Malgré leur force et leur armure, malgré la vigueur de leurs chevaux, les cuirassiers, abordés pendant qu'ils étaient en désordre et dans une position défavorable, furent violemment rejetés vers le bas du coteau et plusieurs d'entre eux furent refoulés jusque dans une saisonnière voisine de la chaussée, où hommes et chevaux roulèrent pêle-mêle, exposés à un feu qui acheva bientôt leur destruction.
Le résultat de cet engagement permit à quatre compagnies hanovriennes d'aller rejoindre Baring, qui toutefois fut de nouveau attaqué. Napoléon, voyant ses efforts contre Goumont et contre la gauche ennemie rester infructueux et désirant frapper un grand coup avant l'entrée des Prussiens en ligne, avait résolu d'enfoncer le centre de Wellington. Cette entreprise, hardie comme toutes les conceptions du premier des stratégistes modernes, présentait de grandes difficultés, car, à part sa garde, l'empereur n'avait que peu d'infanterie à sa disposition. La division Bachelu, du corps de Reille, et celles de Ouiot et de Donzelot, du corps de d'Erlon, avaient déjà beaucoup souffert ; toutefois, elles entretinrent jusqu'à la fin de la journée un feu de tirailleurs qui, conjointement avec une canonnade meurtrière, causa aux ennemis des perles énormes. En réalité, Napoléon ne pouvait compter que sur sa cavalerie; mais cette dernière devait voir ses efforts se briser devant une infanterie nombreuse et dévouée, soutenue par une cavalerie également redoutable, quoique inférieure en nombre à celle des Français, l'une et l'autre commandées par un général dont les lieutenants de l'empereur avaient appris, en Espagne, à craindre l'habileté consommée et l'opiniâtreté sans égale.
Pendant que deux batteries de douze, appelées de la droite des Français au centre, foudroient le plateau, Quiot, renforcé par des soldats de Donzelot, renouvelle ses tentatives sur la Haie-Sainte, où les alliés commencent à manquer de munitions. Enfin, après avoir perdu dans cette entreprise près de 2,000 hommes, il parvient à y entrer. Les défenseurs de la ferme périssent presque tous, et Baring ne ramène de son bataillon que 42 hommes, le dixième de ceux qu'il commandait d'abord. Deux bataillons de la légion allemande essaient de venger sa défaite ; mais l'un de ces bataillons, le 5e, est pris en flanc et sabré par les cuirassiers. Ompteda, qui le conduit, tombe en combattant, et l'autre bataillon ne doit son salut qu'à l'approche de la brigade Somerset.
En ce moment, un peu avant quatre heures, la première ligne du centre anglo-hollandais opéra un léger mouvement de retraite ; Wellington la ramena en deçà de la crête des hauteurs qu'il occupait, afin de la dérober à la vue des Français et de la mettre à l'abri de leur canonnade ; l'artillerie et les tirailleurs gardèrent toutefois leur position.
Ce mouvement en arrière fut, paraît-il, considéré par l'armée française comme un préparatif de retraite. Ignorant, les ressources dont Wellington disposait encore et ses motifs pour compter sur une intervention prochaine et puissante de Blücher, elle voulut achever sa prétendue victoire. Mais qui donna le signal de l'attaque? Ici, comme sur bien d'autres points, on semble avoir à plaisir prodigué les erreurs et les contradictions. Selon Napoléon lui-même, ses cavaliers, sans en excepter les réserves, se seraient portés au plateau par un mouvement spontané et irréfléchi, malgré son intention de suspendre ou du moins de modérer le combat, en attendant qu'on eut des indications précises sur les projets de Bülow. Si l'on en croit Charras, dont la précision et l'exactitude ont été admirées, particulièrement sur les lieux mêmes, ce serait de l'empereur que Ney aurait reçu l'ordre d'aborder le centre anglais.
Le prince de la Moskowa se met à la tête des cuirassiers de Milhaud, que suivent les lanciers et les chasseurs à cheval de la garde, en tout quarante escadrons. Sans se laisser ébranler par les boulets et la mitraille, cette magnifique cavalerie gravit le plateau à la gauche de la Haie-Sainte et se précipite sur les Anglais avec la fureur de l'ouragan. Elle est accueillie avec une résistance aussi calme que l'attaque est impétueuse. L'infanterie de Wellington se forme en carrés, composés chacun de deux bataillons et disposés en échiquier sur deux lignes ; les Brunswickois avaient remplacé la brigade Byng, dont presque tout l'effectif concourait à la défense de Goumont. A l'arrivée de la cavalerie, les artilleurs cherchent un refuge dans le carré le plus proche, en attendant le moment d'en sortir dès qu'elle reculera, pour courir à leurs pièces et la couvrir d'un feu destructeur jusqu'à ce qu'ils soient menacés par une charge nouvelle.
Cette combinaison obtient un succès complet. Les cuirassiers, mis en désordre par leur fougue même, éparpillés autour des carrés, se voient attaqués à leur tour par les brigades de cavalerie de Somerset, de Trip, de Dornberg. Ney recule, puis essaie, à la tête de la cavalerie légère de la garde, un second assaut, qui ne réussit pas mieux que le premier.
Le vaillant maréchal se résout alors à tenter un effort plus formidable. Secondé par le corps de Kellermann et par la grosse cavalerie de la garde, à la tête d'une force totale de soixante-dix-sept escadrons, il se remet en marche. « Le mouvement rapide de cette cavalerie, dit Charras, brandissant le sabre au-dessus du casque, éclatant en immenses acclamations, donna à tous une extrême confiance dans l'issue de la journée ».
Mais Wellington était en mesure d'accepter la lutte. « En vain, dit l'élégant écrivain que nous venons de nommer, en vain Ney engagea jusqu'à son dernier escadron, en vain des batteries d'artillerie légère vinrent lancer leur mitraille sur les bataillons de la première ligne; en vain des carrés entiers furent renversés, dispersés, écrasés, en vain les nombreux escadrons venus au secours de l'infanterie furent sabrés, mutilés, disloqués ; le drapeau de la Grande-Bretagne continua à flotter sur le fatal plateau, et, après une lutte de deux heures, notre cavalerie, désorganisée par d'incessants efforts, dut se résoudre, frémissante de rage, à redescendre la pente qu'elle avait gravie dans la conviction du succès ».
Des deux côtés, les pertes étaient énormes. Ney laissait sur le plateau le tiers de ses cavaliers, et le restant était démonté ou harassé de fatigue. Parmi les blessés, on comptait les généraux de division L'Héritier. Delort, Colbert, les généraux de brigade Dnop, Blancard, Travers. D'un autre côté, la ligne de Wellington, quoique renforcée par toute la division Clinton et par la brigade hanovrienne de Vincke, avait considérablement souffert. Le général hollandais Van Merle, les colonels Ompteda et Delancey avaient péri ; le général Alten, l'adjudant général Barnes et nombre d'autres ofliciers de distinction avaient dû se retirer à cause de leurs blessures. La brigade Ompteda était réduite à une poignée de monde ; les deux carrés de Kielmansegge étaient notablement diminués ; la brigade Halkett, dont les régiments s'étaient onze fois formés en carrés, avait perdu plus des deux tiers de son effectif et notamment un de ses régiments tout entier, le 69e. Le 27e régiment anglais, sans bouger et sans tirer un coup de fusil, eut 400 hommes tués ou blessés et tous ses officiers, sauf un, mis hors de combat ; la brigade de cavalerie Somerset ne dépassait plus la force de celle de Ponsonby, si rudement éprouvée au commencement de l'action. Les cavaliers néerlandais, que l'on a quelquefois représentés comme ayant agi mollement, avaient subi des pertes cruelles, preuve irrécusable de leur vaillante conduite. Les trois régiments belges notamment, sur 1;279 hommes, avaient eu 398 tués ou blessés. Le 8e régiment de hussards, entre autres, sur 400 hommes, s'en était vu enlever 285. Toutefois le moral de l'armée alliée n'était pas resté intact. Nombre de soldats de toute nation avaient quitté les rangs sous prétexte d'aller soigner les blessés, et une partie d'entre eux avaient fui vers Bruxelles, répandant sur leur passage le désordre et la terreur. Les hussards de Cumberland, régiment hanovrien de nouvelle levée, au lieu de marcher à l'ennemi, s'étaient débandés, leur colonel en tête. Si l'on peut s'en rapporter à un historien anglais, Siborne, dont la narration, excessivement louangeuse pour ses compatriotes, est remplie d'invectives à l'adresse des autres troupes alliées, la brigade de Nassau, Von Kruze, commentait à faiblir, et Wellington dut rallier lui-même les Brunswickois, à qui il avait fait prendre position entre les bataillons de Nassau et la brigade Halkett et qui pliaient sous la mousqueterie et la canonnade ennemies. La position .de Goumont résistait toujours; mais, à la gauche, l'ancien corps de Picton allait s'affaiblissant. Les brigades Kempt et Pack , qui comptaient d'abord plus de 5,000 hommes, ne pouvaient en mettre en ligne plus de 1,800, et l'un de leurs régiments, le 92e, était réduit de 600 hommes à 200. Le 7e régiment de ligne (belge) de la brigade Bylandt, sur 700 hommes, n'en comptait plus que 300, et Bylandt lui-même avait été mis hors de combat, ainsi que plusieurs de ses officiers supérieurs.
Mais deux causes neutralisaient les pertes cruelles des alliés : leurs ennemis n'étaient pas en meilleur état, et, quant à eux, ils puisaient un nouveau courage dans l'altitude impassible de leur chef, qui se portait sur tous les points où sa présence pouvait être utile, jetant aux soldats, aux généraux, de ces paroles qui électrisent. Le 95e allait être attaqué :
— « Tenez ferme, mes garçons, leur crie Wellington , ne nous laissons pas vaincre, que dirait-on en Angleterre »?
— « Vous pouvez être tué, lui dit lord Hill, quels sont vos projets, vos instructions » ?
— « De tenir jusqu'au dernier homme».
Kempt lui fait demander des renforts : « Qu'il n'y compte pas et qu'il continue la défense ».
Dans d'autres circonstances, l'empereur s'était montré héroïque. Mais à Waterloo, tandis que Wellington restait dix-sept heures et demie à cheval, la nature avait vaincu l'indomptable conquérant. Suivant de Vaulabelle, une affection hémorroïdale le retint quatre heures cloué sur une chaise, à Rossomme. Tous les malheurs l'assaillaient à la fois. Son infanterie, puis sa cavalerie, avaient successivement échoué ; sa garde aurait pu décider le sort de la journée, mais il n'avait plus sous la main qu'une partie de ce corps redoutable : la cavalerie s'était aussi fatiguée sur le plateau, et la jeune garde combattait pour contenir Bülow, dont les progrès devenaient de plus en plus alarmants. Ce général avait, sans rencontrer de résistance, débouché du bois de Paris au moment où Ney et ses cavaliers essayaient de rompre la droite des Anglais. Par ordre de Blücher el sans attendre les autres corps que celui-ci avait mis en mouvement, il se dirigea vers la Belle-Alliance, à la tête des brigades d'infanterie n° 13, 14, 15 et 16, sous le lieutenant général Von Hacke, le major général Von Ryssel, le général Von Losthin et le colonel Hiller de Gärtringen ; de la division de cavalerie du prince Guillaume de Prusse et d'une artillerie nombreuse, forte de onze batteries. Le 18e régiment et le 3e régiment de milice de Silésie se portèrent vers Fichermont, afin d'opérer leur jonction avec l'extrême gauche des Anglo-Hollandais, ce qui obligea le corps de d'Erlon à détacher quelques forces de ce côté. Le restant du corps de Bülow se déploya dans la plaine, plus au sud. Les troupes que Napoléon avait chargées de lui faire face ne comptaient que 10,000 hommes environ ; elles ne purent résister à un ennemi trois fois supérieur en nombre et durent se retirer sur le village de Plancenoit. Déjà des boulets prussiens atteignaient les rangs de l'infanterie de la garde, qui avait pris, auprès de la Belle-Alliance, la place abandonnée par le corps de Lobau.
La perte de Plancenoit aurait compromis la retraite de l'armée française. Pour prévenir un désastre, l'empereur fit soutenir Lobau par le général Duhesme, commandant de la jeune garde. Cette troupe d'élite entra dans le village, en occupa le cimetière, que le 15e régiment de ligne et le 1er bataillon de milice de Silésie avaient occupé ; mais Bülow, poussé en avant par l'impétueux Blücher, continua la lutte sans fléchir et parvint enfin à rejeter la jeune garde hors du village. Le danger était imminent, l'armée française allait être enveloppée dans un cercle de feux. Le général Morand, avec trois bataillons de la vieille garde, fut envoyé contre les Prussiens et reprit Plancenoit après une lutte terrible.
Rassuré de ce côté, l'empereur voulut tenter un dernier effort. En vain, les chances devenaient de plus en plus mauvaises pour lui ; son génie se refusait à accepter l'idée d'une défaite. Une lueur d'espoir luit encore à ses yeux ; il en profite pour essayer une attaque qui doit être décisive. Les Prussiens étant contenus à Plancenoit, c'est aux Anglais que Napoléon court. Reiile ne laisse devant Goumont que la division Jérôme Bonaparte et débouche, à droite de ce poste, avec le restant de son corps. Les soldats de Quiot et de Donzelot se portent de la Haie-Sainte vers le plateau. Ney rallie quelques cavaliers, débris des milliers d'hommes qui ont, peu d'heures auparavant, ébranlé le sol de leurs charges formidables. L'empereur lui-même conduit dix bataillons de la vieille garde, dont quatre restent près de la Belle-Alliance, et six, formés en autant de colonnes d'attaque, avec deux pièces de canon dans chacun des intervalles, montent au plateau, en appuyant vers la gauche. Pour stimuler l'ardeur de tous, des officiers d'état-major, des gendarmes d'élite parcourent les rangs, en répandant l'annonce de la prochaine arrivée de Grouchy. De son côté aussi, Wellington s'est préparé à une lutte suprême. Il a appelé, de Braine-l’Alleu, la division Chassé, dont les nombreux bataillons (elle en comptait 23), renforcent maintenant sa droite. En apprenant la marche rapide de Ziethen, le général Vivian a, de son chef, quitté sa position pour se porter en avant de Mont-Saint-Jean ; Vandeleur, sollicité par lui de suivre cet exemple, hésite d'abord, mais bien tôt il s'y décide, par suite d'un ordre qu'il reçoit de lord Uxbridge.
Les vétérans de la vieille garde, conduits par le maréchal Ney et suivis par une ligne de cuirassiers, abordent, avec leur aplomb redoutable, la position des alliés. Les bataillons de Brunswick et de Nassau veulent les arrêter ; ils sont repoussés et le prince d'Orange, en ramenant les Nassau au feu, reçoit à l'épaule une blessure qui l'oblige à quitter le champ de bataille. La garde avarice toujours, malgré la mitraille que lui lancent, à trois cents pas, la batterie anglaise de Napier et une batterie belge à cheval dirigée par le major Vander Smissen. Trois bataillons du corps de Chassé viennent l'attaquer ; elle leur résiste et les met en désordre. Mais tout à coup la brigade des gardes anglaises, de Mailland, qui se tient couchée dans un pli de terrain, se lève à la voix de Wellington et la fusille à bout portant. La garde hésite ; puis, en se déployant, masque l'artillerie dont le feu prolége.ses mouvements. Chassé saisit ce moment et charge les Français à la tête de six bataillons de la brigade Detmers, ayant en tête le bataillon belge de chasseurs n° 35, tandis que Maitland les assaille de front. La garde recule, quoique en continuant la lutte, et entraîne avec elle tout ce qui combat sur le plateau.
Le dernier effort des Français avait donc été infructueux ; l'instant était arrivé où une retraite en bon ordre allait devenir impossible pour eux. Le général Pirch Ier, conduisant les divisions d'infanterie des généraux de Tippelskirch et de Krafft, la cavalerie de Jürgas et quelques batteries d'artillerie, environ 10,000 hommes, allait atteindre Plancenoit et avait envoyé une partie de ses soldats remonter la vallée de la Lasne pour se porter sur la ferme de Chanteleux et le hameau de la Maison du Roi. Le lieutenant général Von Ziethen, avec les brigades d'infanterie des majors généraux Steinmetz, Pirch II, Jagow et du général comte Henkel, la cavalerie du lieutenant général Von Röder et douze batteries, formant près de 20,000 hommes, débouchait des hauteurs d'Ohain. L'avant-garde de ce dernier, rencontrant près de Fichermont les troupes de Nassau, qui portaient encore leur ancien uniforme de la Confédération du Rhin, les prend pour des Français et en tue un bon nombre. Mais l'erreur est bientôt reconnue, et les régiments de Durutte, qui ont cru un moment voir arriver les renforts si impatiemment attendus et crié : « Voilà Grouchy », sont à leur tour assaillis avec fureur. « Ce sont les Prussiens », cette nouvelle sinistre se répand en un instant parmi eux et porte au comble leur découragement.
Durutte et Marcognet abandonnent le terrain où ils ont si longtemps lutté et se replient vers la Belle-Alliance dans un désordre que viennent accroître les charges de la cavalerie de la brigade Steinmetz et le feu de plusieurs batteries. Les divisions Quiot et Donzelot s'aperçoivent de ce mouvement fatal et précipitent également leur retraite. Wellington en profite pour ordonner une attaque générale d'infanterie et de cavalerie, et la dirige en personne, le chapeau à la main. Tout cède devant lui. La Haie-Sainte est reprise presque sans résistance, et la panique s'accroît à la vue de la cavalerie de Vivian et de Vandeleur, qui n'a pour ainsi dire pas combattu et dont les escadrons reposés, comptant plus de 2,000 hommes, s'élancent du plateau sur des adversaires en désordre et épuisés de fatigue. L'empereur lui oppose ses quatre escadrons de service, mais cette faible réserve est culbutée en un instant. Les bataillons de la garde qui étaient restés près de la Belle-Alliance s'étaient rangés en bataille, puis formés en carré, la gauche appuyée à la Haie-Sainte, et faisant face aux Prussiens ; ceux qui reviennent du plateau se rangent à la hâte en deux carrés, par ordre de Ney, et se placent à gauche de la chaussée. Ces redoutables phalanges, véritables redoutes vivantes, opposent seules une digue au torrent qui se répand autour d'elles.
Ney se porte ensuite vers la droite, rallie quelques centaines de fantassins et marche à leur tête. Mais, en arrivant sur la hauteur, il se trouve en face de toute la gauche anglaise et de la cavalerie prussienne. Un feu terrible décime sa faible colonne, dont les débris se réfugient dans un des carrés de la garde. Ceux-ci résistaient toujours, mais Napoléon leur enjoignit de battre en retraite, et ce mouvement, qui était devenu nécessaire el qui fut exécuté en bon ordre, acheva la déroute ; ces mots : « la garde recule », portèrent le désordre au comble.
Le second bataillon du 1er régiment de chasseurs, sous les ordres du général Cambronne se tenait à la hauteur de la maison De Coster, à environ 200 pas à gauche de la chaussée, avant près de lui quelques pièces de canon. L'empereur ayant ordonné de tirer afin d'arrêter la marche de la cavalerie anglaise, un boulet emporta la jambe gauche du comte d'Uxbridge. C'est alors que Napoléon, plein d'admiration pour le dévouement, l'attitude impassible de ses vieux compagnons de gloire, voulut mourir avec eux et entrer dans le carré. Mais le maréchal Soult le retint en s'écriant : «Ah! Sire, les ennemis ne sont-ils pas assez heureux »? Le groupe impérial s'éloigna, tandis que des ennemis bien supérieurs en nombre entouraient Cambronne. Sommé de se rendre, celui-ci répondit par une parole soldatesque que l'on a traduite par ces mots sublimes : « La garde meurt et ne se rend pas ». Il ordonna aux siens une charge à la baïonnette, mais il fut repoussé, blessé et pris.
Le second bataillon du premier régiment de grenadiers de la garde, aux ordres du général Petit, était resté près de la ferme de Rossomme ; l'empereur lui prescrivit de battre en retraite et s'éloigna à la hâte, avec son état-major, par le bois de Chanteleux. La bataille avait dégénéré en une retraite confuse : les corps de Reille et d'Erlon fuyaient, complètement dissous, vers Genappe. Lobau et Duhesme, après d'inutiles efforts, étaient chassés de Plancenoit. La cavalerie de Piré fut entraînée par la masse des fuyards ; un seul régiment de cavalerie, les grenadiers à cheval de la garde, conserva longtemps une altitude imposante.
Les alliés surent profiter de leur victoire. Blücher et Wellington se portèrent jusqu'à Rossomme, pour achever la désorganisation de l'ennemi. En revenant vers leurs armées, ils se rencontrèrent à la Belle-Alliance où ils se félicitèrent mutuellement. La nuit était arrivée. Les troupes anglaises et hollandaises, qui tombaient d'épuisement, restèrent sur le champ de bataille ; mais la cavalerie prussienne, sous la direction de Gneisenau, l'habile chef d'état-major de Blücher, traqua toute la nuit les Français, sans leur donner un instant de repos, et ne s'arrêta qu'à Frasnes. Grouchy, parvenu enfin sur les bords de la Dyle, avait forcé à Limal le passage de cette rivière, malgré la résistance du général prussien Thielmann ; le corps de Pirch Ier fut dirigé sur Maransart et Bousval pour lui couper la retraite qu'il ne pouvait manquer d'effectuer en apprenant la terrible défaite subie par son souverain.
Tel est, aussi fidèlement retracé que nous l'avons pu, le tableau de la bataille décisive du 18 juin 1815.
Les différentes nations qui y combattirent rivalisèrent de valeur, mais l'issue, quoiqu'on en ait dit, ne pouvait guère être douteuse. Vaincu, Wellington aurait pu se retirer dans la forêt de Soigne, y appeler à lui des renforts et recommencer une nouvelle lutte avec des chances nouvelles ; l'insuffisance des ressources de Napoléon et les préparatifs immenses des alliés condamnaient Ies Français au contraire, à ne rien espérer qu'un retard dans la destruction de leur unique armée.
Il existe encore plus d'un de ceux qui virent le champ de bataille le lendemain du 18 juin. Des monceaux de corps d'hommes et de chevaux le couvraient dans presque toute son étendue, témoignages épouvantables des désastres que la guerre entraîne à sa suite. De nombreux blessés, que l'on n'avait pu relever immédiatement, achevaient de mourir ou appelaient au secours. On s'empressa, il est vrai, de venir à leur aide et de les emporter aussitôt que cela fut possible ; l'esprit de charité, qui a distingué les Belges dans tous les temps, se manifesta avec plus d'éclat que jamais. Toutefois, fait honteux à signaler, mais qui se reproduit après chaque combat, des paysans du voisinage se glissèrent au milieu des cadavres, pour les dépouiller ; il fallut, afin d'arrêter ce brigandage, laisser à la garde du champ de bataille les dragons de Brunswick, avec ordre de tirer sur ceux qui s'en approcheraient. Sauf Plancenoit, où la lutte avait été très longue et très obstinée, les localités voisines souffrirent peu, car le combat eut lieu sur une plaine où l'on ne trouve que quelques habitations.
Les pertes des deux armées atteignirent un chiffre élevé. L'armée de Wellington perdit 24,670 hommes, dont 11,678 Anglais et Hanovriens, 3,547 Néerlandais, 1,100 Brunswickois, 1,000 soldats de Nassau et 7,454 Prussiens. Les généraux Ponsonbv, Picton, Van Merle, les colonels Delancey et Duplat, le colonel et brigadier prussien, comte Schwerin, se trouvaient, parmi les tués ; le prince d'Orange, le comte d'Uxbridge, les généraux Cooke, d'Alton, Kempt, Pack, Grant, Adam, Bylandt, Van Dornberg, le colonel et brigadier prussien Von Lettow , l'envoyé russe Pozzo di Borgo, l'envoyé autrichien baron de Vincent, parmi les blessés.
Suivant le calcul le plus probable, les Français laissèrent sur le champ de bataille ou entre les mains des vainqueurs près de 32,000 hommes. Les généraux de division Michel et Desvaux de Saint-Maurice, les généraux de brigade Beauduin, Jamin, Dnop, Autard, Mallet, avaient péri ; Friant, Duhesme, Foy, Durutte, Durrieu, Guiton, Petit, Pelet, Lallemand, Guyot, Colbert, Travers, Blancard, Farine, Barrois, l'Héritier, Delort, Cambronne, étaient blessés ; ce dernier, ainsi que Lobau, furent faits prisonniers. Presque toute l'artillerie (227 bouches à feu) devint la proie de l'ennemi.
Mais le résultat matériel de la journée de la Belle-Alliance fut médiocre si on le compare à ses conséquences morales. Elle entraîna la chute de l'empire napoléonien et l'affermissement de la ligue des puissances qui l'avaient combattu. Elle arrêta à sa naissance la nouvelle série de guerres dont l'Europe était menacée ; elle ouvrit l'ère de paix qui s'est prolongée jusqu'à cette heure. La France même fut sauvée du despotisme qui y comprimait le développement de l'intelligence et y mettait la population en coupe réglée. Elle dut à son infortune une période de prospérité et de véritable grandeur.
Sauf le monticule artificiel que l'on appelle le Lion de Waterloo et qui se trouve sur Braine-l’Alleu, presque tous les monuments principaux, souvenirs de la terrible journée du 18 juin 1815, sont situés sur le territoire de Plancenoit.
A l'intersection de la chaussée de Charleroi et du chemin du Lion vers Ohain, à l'ouest de la chaussée, au sud du chemin, s'élevait un arbre près duquel le généralissime anglais se tint pendant une partie de la journée du 18 juin et qui prit de là le nom l’Arbre de Wellington. Il a été abattu en 1821 et ses débris furent transportés en Angleterre. A l'endroit où les soldats de Napoléon, d'une part, et les alliés, d'autre part, combattirent près de dix heures avec un acharnement inouï, sur les bords de la chaussée de Bruxelles à Charleroi, à 100 mètres S. du chemin d'Ohain, à 2,400 mètres N.-N.-O. de l'église de Plancenoit, on aperçoit deux petites éminences, qui indiquent le niveau qu'atteignait le sol avant les travaux exécutés pour élever la butte du Lion. Chacune de ces éminences porte un monument qui, si nos renseignements sont exacts, datent, celui de l'ouest ou Monument Gordon, de 1817, celui de l'est ou Monument hanovrien, de 1818.
Ce dernier est consacré à ces vaillantes troupes allemandes, qui secondèrent si héroïquement les Anglo-Néerlandais. Il consiste en une pyramide tronquée, de pierre bleue, reposant sur un socle cubique et ayant six ou sept mètres de hauteur. Les quatre faces sont revêtues d'inscriptions, dont voici la reproduction textuelle:
1° Vers l'ouest : Dem Andenken | lhrer Waffen Gefährlen welche | in der ewig denk würdigen Schlacht von | 18 Juni 1815 | den Helden Tod hier starben.
2° Vers le nord : Obrist und Brigadier Christian von Ompteda, | Obrist und Brigadier Carl Du Plat; | 1es leichtes Dragoner Régiment | Rittmeister Friedrich Peters, | Lieutenant Friedrich von Levetzow, | Lieutenant Otlo Kuhlmann | 2e leichtes Dragoner Regiment : J Ritlmeister Friedrich von Bulow, | Cor-nelHeinrich Drankmeister | 1es Husaren Regiment | Rittmeister und Brigade Major Carl von Bobers | 3es Husaren Regiment | Obristlieutenant Ludwig Meyer | Rittmeister Agatz von Kerssenbruch | Rittmeister Georg Janssen | Lieutenant und Adjudant Heinriçh Bruggemann | Cornet Wilhelm Deichmann | 1es leichtes Infanterie Bataillon | Hauptmann PhiIipp Holzermann | Hauptmann Heinrich von Marchalk | Hauptmann Alexander von Goeben | Lieutenant Anton Albert | 2es leichtes Infanterie Bataillon Major Adolph Bosewill | Hauptmann Wilhelm Schaumann | Hauptmann und Brigade Major Heinrich Weigmann | Fahndrich Friedrich Robertson.
3° Vers le sud : 4es Linien Bataillon | Hauplmann und Brigade Major August von Saffen | Hauptmann Carl von Holle | Fahndrich Hartwig von Lucken | 2es Linien Bataillon | Obristlieutenant Johann, von Schroier | Hauptmann Georg Thilée | 3es Linien Bataillon | Hauptmann Friedrich Diedel | Lieutenant Friedrich von Jeinsen | Lieutenant Friedrich Leschen | 4es Linien Bataillon | Major Georg Chuden | Major Georg Leue | Hauptmann Friedrich Heise, | Fahndrich Theodor Cronhelm | 5es Linien Bataillon | Hauplmann Christian von Wvrmb | Lieutenant und Adjudant Ludwig Schuck | 8es Linien Bataillon | Hauptmann August von Voigt | Hauptmann Ti. von Westernhagen | Lieutenant Wilhelm von Marenholz | Artillerie : | Lieutenant Carl von Schulzen. | Gewidmet | von den Oflicieren der Koniglich Gross-Brittannisch | Deutschen Légion.
4° Vers l'est : To the Memory | of their Companions in Arms | who gloriously fell on the memorable | 18th Day of June 1815 | This Monument . | is erected by the Officers of the Kings | German Legion.
Sur l'autre tertre, dont on atteint le sommet au moyen d'un escalier de 23 marches, on aperçoit, entouré d'un grillage de fer, une colonne cannelée, reposant sur un socle quadrangulaire, exhaussé de deux marches. Ce monument est consacré à un brave officier anglais, mort à Waterloo des blessures qu'il reçut pendant la bataille. Sa hauteur est de sept mètres environ. La face est de la base est ornée d'un écusson à trois hures de sanglier, avec les devises : Tria juncta in uno et Ich dien ; sur la face ouest est sculpté un bras tendant un arc dont la flèche est près de partir, et la devise : Fortuna sequatur. Vers le nord, on lit, en anglais, une longue inscription, dont la face méridionale offre la traduction française, conçue en ces termes :
« A la memoire | de l'honorable Sir Alexandre Gordon, | Lieutenant-Colonel, | Chevalier Commandeur du très-honorable Ordre du Bain, Aide-de-Camp du Field- j Marshall Duc de Wellington , et troisième Frère de George Comte d'Aberdeen. | Il termina à l'âge de 29 ans | Sa courte mais glorieuse cariere, | en exécutant les ordres de son General, | A la Bataille de Waterloo. | Sa bravoure et ses talens distingués | lui meriterent l'approbation du Héros, | dont-il partagea les dangers | en Espagne, en Portugal, et en France, | Et qui lui donna les preuves les plus flatteuses de sa confiance. | dans d'importantes occasions. | Son Pays reconnoissant lui a décerné en recompense | de son Zèle et de son Activité dans le Service, | dix Médailles, et l'honorable distinction de l'Ordre du bain. | Le Duc de Wellington l'a justement regretté | et l'a cité dans son rapport officiel, | comme un Officier qui donnait de hautes espérances, | et dont la perte sera vivement sentie | par sa Pairie. | Il n'était pas moins recommendable par ses vertus privées, | Son respect sincere pour la Religion, | l'élévation de ses principes d'honneur, | Sa probité sevère, | et les aimables qualités qui lui avaient acquis | l'attachement de ses amis et l'amour de sa famille. | En témoignage de ces sentimens qu'aucun langage ne saurait exprimer, | Une Sœur inconsolable et cinq Freres qui lui survivent, | Ont élevé ce modeste monument, | à l'objet de leurs plus chères affections. »
En mémoire de la défense de la Haie-Sainte, dont on aperçoit de la hauteur les toits dans le vallon, le corps des officiers Anglo-Hanovriens du deuxième bataillon léger de la légion royale allemande fit encastrer, dans un pignon de la ferme vers la route, une plaque de marbre blanc, où on rappelait la mort glorieuse de plusieurs officiers de ce bataillon ; en 1847, le prince George, actuellement roi de Hanovre, l'a fait remplacer par une plaque de fer carrée et posée en losange. On y lit, en lettres saillantes et dorées :
« Die | Officiere | des 2ten | leichten Bataillons, | Koniglich Deutscher Légion, ihren | in der Vertheidigung dieser Meyerey | an 18ten Juni 1815 gefallenen Waffenbrüdern | Major H. Bösewiel | Capitain W. Schaumann | Fähndrich F. von Robertson | und 46 Unterofliciere und Jäger -vom 2ten Ieichten Bataillon. | Wiederhergestellt durch Seine Konigliche Hoheit | den Kronprinzen Georg von Hannover am 18sten Juni 1847 | und zugleich gewidmet den ebendaselbst bei | dieser Gelegenheit Gefallenen | Capitain H. von Marschalck vom 1sten Ieichten Bataillon | Capitain C.von Wurmb vom 5ten Linien Bataillon | in Anerkennung des von ihnen bewiesenen | hannöverschen | Heldenmuths. »
La ferme a été rebâtie et est, comme jadis, bornée au S. par un verger. Les champs voisins, où le carnage a été affreux, constituent en réalité une immense nécropole. Une seule fosse, pratiquée dans le vallon, vers l'est, a reçu les corps de 4,000 soldats et d'un grand nombre de chevaux.
En avançant de 900 mètres, au delà du vallon où périrent tant de vétérans, sur le bord oriental de la route, à l'angle méridional d'un chemin conduisant à Plancenoit, on rencontre une petite auberge, isolée et n'ayant qu'un seul étage. Elle doit son nom à un incident que l'on raconte de différentes manières : Une femme qui y résidait, dit Walter Scott, après avoir pris deux fois un fermier pour mari, étant redevenue veuve, épousa un de ses valets, et le nom de la Belle-Alliance fut donné à son habitation pour ridiculariser son mariage. Suivant une autre version, rapportée par Le Mayeur, le curé, en apprenant que la fermière allait épouser un villageois dont la conduite était mauvaise, se serait écrié : « Nous allons conclure une belle « alliance ».
La célèbre bataille que nous avons racontée ayant donné à cette auberge une illustration européenne, on plaça, au-dessus de la porte, une plaque en marbre blanc, où on lit : Belle Alliance | Rencontre | des généraux | Wellington et Blücher | lors | de la mémorable | bataille du XVIII juin | MD.CCC.XV | se saluant mutuellement vainqueurs. C'est là que les soldats alliés échangèrent leurs félicitations militaires : les Prussiens firent halte pour jouer le God save the King, et les Anglais rendirent le compliment par trois acclamations en l'honneur des Prussiens. Napoléon s'était tenu, pendant une partie de la journée, de l'autre côté de la route, dans une pièce de terre que l'on nomme Champ du Tri Motiau.
A une distance de 1,200 mètres vers le sud, du même côté de la route, on voit la Ferme Rossomme, ainsi appelée d'un de ses anciens occupants, qui était d'origine flamande ; depuis elle a pris, pour le même motif, le nom de Maison Derbais, et aujourd'hui c'est la Maison Delpierre, qui ne constitue plus qu'une simple métairie. Lorsque la bataille commença, l'empereur s'assit devant celte ferme, ayant devant lui une table, sur laquelle était étendue une carte du pays. En cet endroit, le terrain, s'élevant quelque peu, lui permettait de parcourir du regard presque tout le champ de bataille.
La lutte sanglante dont le village même de Plancenoit fut le théâtre, et l'intervention puissante de l'armée de Blücher sont rappelées par le Monument prussien. Il s'élève à 300 mètres environ au N. de l'église, au bord occidental d'un chemin qui conduit à Smohain et sur l'emplacement d'une batterie qui fit essuyer des pertes cruelles au corps de Bülow. II consiste en une flèche gothique, de fer, à quatre faces, reposant sur un socle de pierre bleue et surmontée d'une croix. Sur la face orientale on lit :
Die gefallenen | Helden ehrt dank | bar Ivônig und | Vaterland. | Sie ruhn | in Frieden. | Belle-Alliance | den 18 Juni 1815.
En 1832, treize ans après la pose de ce monument, des soldats français, en marche pour le siège de la citadelle d'Anvers, brisèrent la croix qui le surmonte. Elle fut ensuite rétablie et on entoura le monument lui-même d'un élégant grillage de fer, dessinant un carré dont chaque côté mesure 10 mètres.
Le village de Plancenoit, ainsi que Braine-l'Alleu, ressortissait jadis à la mairie de la Hulpe. On y suivait la coutume d'Uccle.
D'après les anciens Comptes des baillis du Brabant wallon, toute la juridiction y appartenait au duc de Brabant, sauf que le seigneur de Braine-l'Alleu y avait une cour et des jugeurs, des cens et des rentes. D'autres données témoignent que la seigneurie de Braine y avait la moyenne et la basse justice. La haute juridiction y fut réunie, en vertu de lettres patentes accordées à Henri de Witlhem, seigneur de Beersel et de Braine-l'AIIeu, le 10 juin 1489. Depuis cette époque, la terre de Plancenoit forma un plein fief ayant haute, moyenne et basse justice, un bailli, un maire, des échevins, un sergent et un messier, droit de congé, droit de percevoir les lois et amendes et autres forfaitures, droit de garenne, de gruerie, de pêche etc.
Les habitants étaient tenus de faire moudre leurs grains au Huijsmeule (Moulin de la maison ou moulin voisin du château?), à Braine, où on devait les servir immédiatement. D'après un dénombrement en date du 10 septembre 1440, le cens seigneurial, à cette époque, rapportait déjà 7 livres 6 deniers, 4 livres 19 sous 8 deniers de bon cens, 30 sous 2 deniers, 207 1/2 chapons, outre 6 moutons, 11 1/2 muids de blé, mesure de Nivelles et 23 muids d'avoine, prix du loyer de la Maison du seigneur (probablement la Ferme Prévinaire), à Plancenoit.
Après la seconde invasion française, Plancenoit fut compris dans le canton de Braine-l'Alleu, puis, en l'an X, joint au deuxième arrondissement de justice de paix de Nivelles. En l'an VIII, on conçut le projet de réunir ce village à celui de Maransart.
Le budget de la commune, pour 1859, présente les chiffres suivants :
Plancenoit fut possédé, au XIIIe siècle, par les châtelains de Bruxelles, qui en firent défricher le sol et y établirent un village. Ils paraissent l'avoir aliéné, vers l'an 1300, car le Livre des fiefs du Brabant de l'année 1312 nous le montre possédé, ainsi qu'Ohain, par le chevalier Arnoul de Steyne. Celui-ci vendit les deux villages à Arnoul, fils d'Arnoul Rex (De Coninck ou Le Roy), de Bruxelles, et, après celui-ci, ils passèrent à Colard ou Nicolas de Barbençon, seigneur de Braine, dont les successeurs possédèrent Plancenoit jusqu'à l'époque de la domination française. Ohain en avait été séparé, en 1342, et n'y fut plus réuni.
Le 23 janvier 1636. Ernestine de Witlhem, marquise de Berg-op-Zoom, baronne de Beauvois, vendit à Arnoul Schuyl, seigneur de Walhorn, Houtain-le-Val, etc., pour la somme de 36,500 florins de Brabant, la terre et seigneurie de Plancenoit, avec toutes ses dépendances et avec trois bois dits : le Goumont (voyez Braine-l’Alleu), le Bois Lionnet, à Ohain, et le Bois de Moitemont, quelques parties de terre et les cens que la maison et les autres biens de l'acquéreur devaient à la recette de Braine-l'AIIeu (relief du 7 décembre 1637).
Mais, dès l'année suivante, les trois filles d'Ernestine et de Claude-François de Cusance, baron de Belvoir, réclamèrent et opérèrent le retrait de cette seigneurie (6 novembre 1638), qui, de la sorte, fut de nouveau réunie à celle dont on l'avait démembrée.
Il a existé à Plancenoit une seconde seigneurie, qui comprenait 5 1/2 bonniers de terres, 2 1/2 b. de prés, un cens de 30 (ou 31 chapons) et de 31 sous de bon cens (ailleurs, de 15 livres payement), avec 5 hommes de fief, 14 masuiers ou tenanciers, un homme de fief (ou maire), « qui dénonçait les échevins du duc à Braine sur le droit de la cour ». Guillaume Coutriaulx, fils de René de la Hutte, tenait ce bien en fief du duc de Brabant, en l'année 1374. Son fils Jean le laissa à sa sœur Jeanne, et celle ci, avec son mari, Jacquemart d'Ardenne, le vendit à Guillaume d'Oestkerke (relief du 2 mars 1435-1436), qui, à son tour, le céda à Jean Germieau ou Germal (r. du 21 août 1439). Il resta dans la famille de ce dernier jusqu'au 27 mars 1544-1545, que Jean Germiaulx et maître Nicolas, son fils, en firent abandon au sire de Braine et à Jeanne de Lannoy, sa femme, moyennant 200 carolus d'or (r. du 15 avril 1545). Le fief de la Hutte ou del Hutte, comme on l'appelait alors, devint une annexe de la seigneurie de Braine.
D'après Blondeau, le seigneur de Rixensart et de Genval avait quelque « hauteur et droit sur les Mez des Blancs bois ». L'abbaye d'Aywières était propriétaire de deux champs, de 47 bonniers de terre chacun, et qui se louaient, en 1787, l'un 338 florins, l'autre 336 florins.
L'église de Sainte-Catherine, à Plancenoit, n'était qu'une quarte chapelle ; elle suivit constamment les destinées de celle de Braine-l'Alleu, dont elle fut séparée en 1244, ainsi que nous l'avons dit plus haut. Le concordat en fit une succursale de la cure de Braine.
La dotation de la cure comprenait jadis un tiers de la grande dîme, un trente-sixième de la dîme de Gallemarde, sur La Hulpe, et de Ransbeek, sur Ohain ; un sixième de celle de Smohain, sur Braine (actuellement sur Waterloo) ; un dix-huitième de celle de Hacdal, sur Ohain ; la menue dîme, 30 bonniers de terres, 3 journaux de bois; en tout un revenu de 1,491 florins, dans lequel les dîmes entraient pour 949 florins 15 sous. II y avait, en outre, plusieurs offices fondés, entre autres une messe qui se disait le samedi et deux messes se disant tous les quinze jours, moyennant des rétributions qui se payaient par le mambour de l'église et dont une partie provenait, sans doute, de deux bénéfices des églises d'Ohain et Ophain, ceux de Saint-Nicolas et de Saint-Ghislain, lesquels furent unis à la cure de Plancenoit en 1696.
Les biens de la fabrique et des pauvres sont communs ; en 1787, ils comprenaient 20 1/2 bonniers, valant annuellement 505 florins ; actuellement ils consistent en 33 hectares 83 ares 20 centiares. Les revenus de la fabrique s'élèvent à 2,876 francs. La nomination du mambour de l'église et des pauvres appartenait jadis au seigneur ; cependant, en 1667, le curé prétendait avoir le droit d'être préalablement consulté à ce sujet et refusa de reconnaître le mambour que le délégué du seigneur avait choisi. Le presbytère est situé dans le vallon, au S. de l'église; il date de l'année 1789.
Sur la pente d'un coteau au pied duquel la Lasne prend sa source se trouve l'église, bel édifice qui a été construit sur les plans de M. Coulon et en vertu d'un arrêté royal en date du 1er mai 1856. Les travaux ont commencé le 25 mars 1857 et viennent d’être achevés ; d'après le devis, ils devaient couler 58,700 francs, somme dans laquelle la fabrique est intervenue pour 30,000 francs. L'édifice est construit en briques, sauf que la façade est revêtue de pierres blanches provenant de l'ancienne église et que les fenêtres sont bordées de pierres bleues. La façade se termine par deux rampants ornés d'aiguilles à crochets ; à leur jonction s'élève la tour, qui est surmontée d'une flèche octogone. Au-dessus de la porte d'entrée se trouve une quatre-feuilles, et de chaque côté de la porte une fenêtre. A l'intérieur, les trois nefs de l'église se composent de six travées ; le chœur en comprend deux et se termine par une abside à trois pans. Les colonnes sont à chapiteaux ornés de feuilles de chêne et les voûtes à nervures croisées avec arcs doubleaux. L'ornementation n'a rien de remarquable. Sur le maître-autel, d'ordre composite, on voit encore les traces de trois balles qui le frappèrent en 1815.
Les autels latéraux sont dédiés à la Vierge et à sainte Catherine. On vénère aussi saint Donat, en l'honneur de qui on fait, le troisième dimanche de juin, une procession que suivent d'ordinaire plus de 2,000 fidèles.
On a conservé une pierre qui se trouvait jadis à l'intérieur de la tour, près du cadran ; elle offre les armes de la famille de Witthem et la date 1576.
Le cimetière était autrefois en pente ; il a été nivelé pour que l'église fût assise sur un terrain plat.
La porte d'entrée du temple, que précède un bel escalier, s'ouvre vers une place assez spacieuse, qu'orne un beau peuplier d'Italie, arbre de la liberté planté en 1830.
Nous n'avons rien à ajouter à ce que nous avons dit des revenus des pauvres, si ce n'est que le budget du bureau de bienfaisance, pour l'année 4859, a été fixé comme suit :
Le nombre des enfants pauvres qui ont été admis par la commune, en 1858-1859, à recevoir l'instruction, s'est élevé à 131 : 64 garçons et 67 filles. Une école, avec salle communale, a été bâtie il y a quelques années ; elle a coûté au village de 12 à 14,000 francs.
La fête locale se célèbre le troisième dimanche de juillet ; il y a, en outre, une fête secondaire le dimanche le plus rapproché de la Sainte-Catherine.
Les ouvrages relatifs à la bataille de la Belle-Alliance et aux localités où elle se livra sont cités pl
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